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Artiste à suivre : Emilie Zoé.

Ce vendredi 11 février, l'artiste suisse Emilie Zoé (photo de Léa Martinez) sort son nouvel album. Intitulé "Hello Future Me", il permet à l'artiste-auteure-compositrice-interprète originaire de Lausanne de nous montrer  toute l'étendue de son talent. Souvent comparée à PJ Harvey ou encore à Cat Power, Emilie possède à la fois une voix fragile et brute.

 

Elle présentera son album le 16 mars prochain au Botanique à Bruxelles.

Mais si elle se présentait afin d'en savoir un peu plus sur elle.

° 18 mois de travail pour cet album, un processus normal?

"C'est plus long que le processus d'enregistrement des albums précédents, et il y a deux grandes raisons à cela.

La première a un rapport direct avec le processus d'enregistrement. Elle vient du fait que pour les précédents albums, je composais des morceaux dans mon salon, puis on les arrangeait dans notre local avec Nicolas Pittet qui est le batteur avec lequel je joue depuis plus de 10 dans, puis on jouait ces morceaux directement sur scène. C'est la scène qui les mettait en forme, qui les façonnait, qui faisait qu'on les comprenait, qu'on les avait dans le corps. Les enregistrer ensuite était assez rapide : on a travaillé avec des regards extérieurs de producteurs (Louis Jucker pour Dead-End Tape, 2016, et Christian Garcia-Gaucher pour The Very Start, 2018), et enregistré sur une à deux semaines, mixé en assez peu de temps aussi.

Pour Hello Future Me, j'avais noté dans mon agenda : écrire un disque entre avril et juillet 2020. L'écriture aurait dû se faire en parallèle de concerts dans des festivals européens, l'enregistrement dans le courant de l'été et la sortie était prévue début 2021. Mais finalement j'ai eu beaucoup plus de temps que prévu, et je l'ai aussi volontairement pris. Ca n'a pas été plus simple. Au début, je n'avais vraiment rien envie de dire, pas envie de m'exprimer, juste envie d'écouter. Puis j'ai fait un grand travail de réflexion et d'introspection, pour bien préciser dans ma tête si c'était aligné avec mes convictions de passer mon temps et mon énergie à faire de la musique, et si oui, qu'est-ce que j'avais envie de mettre dans cette musique et quelle forme elle allait prendre. 

Puis j'ai commencé à mettre en place des démos de morceaux. Je me suis entouré de Louis Jucker, ami et collègue de longue date, qui est une des personnes qui me connaît le mieux au monde, pour m'aider à mettre de l'ordre dans mes idées et concrétiser ces démos. Nous avons ensuite passé quelques semaines à arranger ces morceaux en duo avec Nicolas Pittet, puis avons enregistré une première version de ces morceaux avec Christian Garcia-Gaucher à la production. En les écoutant plusieurs semaines plus tard, je me suis rendu compte que le regard extérieur de producteur avait, sur des morceaux aussi frais et pas encore expérimentés en live, décalé légèrement ces morceaux de leur énergie de base, celle que je ressentais au moment où je les ai écrits. J'ai donc décidé de repousser la sortie du disque et de réenregistrer ces morceaux en faisant moi-même la production.

Nous l'avons fait à la maison, entre les locaux d'Hummus Records et un appartement pas très loin, à la Chaux-de-Fonds. Nous avons pris le temps de faire les prises, et de les refaire jusqu'à satisfaction. Deux semaines de prises de base "live" guitare ou piano + batterie, puis un mois de bricolage, d'overdubs et de prémix. Puis 10 jours d'enregistrement de voix, et presque un mois de mixage. C'était pour moi un superbe apprentissage de la production d'un disque, de recherche, d’affinement de mes goûts et d’un certain esprit critique.

J'ai ensuite fait l'artwork moi-même en parallèle du mastering, et les 18 mois étaient écoulés.

La deuxième raison est que je fais aussi plusieurs autres projets dans la vie : je fais beaucoup de collaborations et j'écris de la musique pour des pièces de théâtre. Sur cette période de 18 mois, j'ai sorti un disque de collaboration avec Christian Garcia-Gaucher, Pigeons, en avril 2020, que l'on a tourné sous forme de ciné-concert en automne 2020. J'ai aussi écrit, composé et enregistré un album avec Franz Treichler (The Young Gods) et Nicolas Pittet fin 2020, qui est sorti en juin 2021 et que nous avons tourné sur les scènes des festivals tout l'été 2021. J'ai encore collaboré avec un groupe de hard Lausannois, Abraham, avec lequel j'ai enregistré 3 titres. J'ai enfin aussi composé la musique pour une pièce de théâtre fin 2020-début 2021 que j'ai jouée en live sur une soixantaine de dates en 2021. 

Je ne sais donc pas si c'est un processus normal ou pas, il se trouve que c'est ces 18 mois de ma vie qui ont permis la sortie de ce nouveau disque, Hello Future Me, qui est mon disque le plus personnel jusqu'à présent.

° Travail d’équipe, important de tenir compte des avis et des idées des autres membres du team?

"C'est effectivement un travail d'équipe, celui d'une petite équipe. En l'occurence, nous sommes 4 à avoir fait ce disque : Louis Jucker, Nicolas Pittet, Kevin Galland (qui a enregistré les prises de bases avec batterie et mixé le disque) et moi-même. C'était important pour moi, à ce moment-là dans mon processus de création et au vu de ces reflexions profondes sur ce qu'est véritablement la musique que je fais, de m'entourer de personnes qui me connaissent très bien, et depuis longtemps. 

J'écris cette musique en pensant au fait qu'elle va être jouée à la batterie par Nicolas Pittet. C'est lui qui écrit tous les arrangements rythmiques (batterie, percussions). Il ne donne pas vraiment son avis, il fait plutôt entièrement partie de la création de cette musique. Louis Jucker, quant à lui, a eu une posture capitale avec son expérience de musicien, d'arrangeur, de compositeur, d'ingénieur du son et de producteur : plutôt que de donner son avis et d'orienter la production du disque, il a réussi à comprendre ce que j'avais dans la tête et à fait en sorte de traduire ces envies et ces impressions abstraites en sons, et en arrangements, toujours en me demandant : "mais là, quand tu dis que tu veux que ce soit plus "large", est-ce que tu entends par exemple plusieurs guitares qui jouent en même temps?" Il n'avait de cesse de demander: "C'est bien ça que tu veux?" Il a été une sorte de révélateur d'idées qui a permis la création de ce disque.

De manière plus globale, je travaille vraiment en "tribu" : nous publions ces disques sur le label Hummus Records, géré par un ami proche de longue date Jonathan Nido. Et je travaille depuis plusieurs années avec Aurelia Jaquier/Takk Prod qui me donne son avis dans beaucoup de domaines, s'occupe du booking et de la promotion en Suisse, et de la coordination avec les autres pays. Nous manageons ce projet à quatre, Jona, Aurelia, Louis et moi. Et plus le temps passe plus nous collaborons étroitement avec d'autres personnes qui nous plaisent, humainement et presque philosophiquement. J'aime bien l'idée qu'on fabrique des petits réseaux qui, au fil des ans, se fortifient et se connectent et échangent avec d'autres petits réseaux, pour en former des plus grands".

° Album composé de huit chansons « avec elles l’envie de changement, la fascination du vide, les questionnements personnels… » Ce sont tes thèmes de réflexion de création de ton univers artistique?

"Aussi loin que remontent mes souvenirs d'enfance, je me suis toujours posé des questions et j'ai toujours aimé m'imaginer d'où est-ce qu'on vient, qui est-ce qu'on est, où est-ce qu'on va, en tant qu'humains sur cette planète dans l'univers. L'album précédent, The Very Start, avait comme thématique centrale le temps (qui passe?), l'origine des choses (est-ce qu’on peut vraiment parler d’origine aux choses, d'ailleurs?), le fait d'évoluer, de vieillir. Ces questionnements sont donc pas nouveaux.

Il se trouve que la période à laquelle j'ai commencé à écrire ce nouveau disque était très propice et exacerbait ces réflexions, en moi mais aussi, j'avais l'impression, de manière collective : qu'est-ce qu'on a fait, et qu'est-ce qu'on fait maintenant, pour que la vie soit chouette dans le futur?

J'ai observé qu'on plaçait beaucoup de notre énergie à penser à des choses négatives et paralysantes, en regardant le futur avec appréhension. Mais s'il y a bien une chose sur laquelle nous pouvons agir, c'est où est-ce que l'on place notre énergie vitale... on peut nourrir ces peurs, mais cela ne m'intéresse pas, personnellement. Je me dis que si j'utilise plutôt mon énergie pour réfléchir à ce que j'aimerais bien qu'il se passe, c'est comme si je lançais une petite graine dans un champ, qui poussera ou peut-être pas, mais au moins j'ouvre une petite porte qui donne la possibilité à cette idée de se réaliser.  C'est dans ce sens-là que je parle d'envie de changement; plus on en a envie moins on va en souffrir, et plus on va être souples et résilient·e·s.

J'ai d'ailleurs fabriqué des cartes postales et acheté une boîte aux lettre, "Hello Future Box", que je prends avec moi aux concerts. Sur ces cartes postales, les gens peuvent écrire une idée, une envie, ou un espoir à envoyer dans le futur. Ils peuvent la poster dans la boite et cocher une case qui me demande de lire ce message à un prochain concert, et/ou de poster ce message sur mon site internet. En deux concerts, on a déjà reçu beaucoup de messages! Je me réjouis de faire voyager ces idées d'un concert à l'autre, et de les rassembler à un endroit. Qui sait, peut-être que leur rassemblement va leur donner plus de puissance?"

° Tu écris et chante en anglais mais tu es francophone. Pas envie de créer dans la langue de Molière?

Ca m'est déjà arrivé d'écrire en français, plutôt des textes destinés à être lus, ou du spoken word. Notamment un featuring avec Gängstgäng (Augustin Rebetez, rappeur et artiste visuel avec lequel j'adore travailler, et Pascal Lopinat, batteur et producteur avec lequel on a tourné avec le groupe Autisti avec Louis Jucker) où je parle/chante en français. 

Mais mes chansons, non. Elles sont toujours venues en anglais, et tant qu'instinctivement ça sort comme ça, je ne vais pas essayer de faire autrement. L'anglais est comme une langue de l'émotion pour moi, dans laquelle les mots sont très vite liées avec des mélodies... Oh, j'adore écrire en anglais. Et tant que c’est un plaisir, je vais continuer à le faire!"

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